J’avais prévu un tout autre article pour aujourd’hui: celui de la création de mes cartes de voeux. Je savais qu’il était demandé depuis l’année dernière (oups..) sauf que je n’ai pas eu le courage de farfouiller TOUT mon bureau pour les retrouver. J’en suis même venue à me parler à voix haute: « Dis-moi Céline, si tu étais une maniaque folle à lier, où aurais-tu rangé les cartes lors du dernier pétage de plomb ? » Après quelques minutes, la réponse est arrivée: « Facile, j’aurais tout refourgué dans un carton que j’aurais placé sur la grande armoire ! » MAIS BIEN SUR !
Entre temps, j’ai mis la main sur une boîte en métal contenant de vieilles photos. J’avais carrément oublié leur existence. Parmi elles, celle-ci datant de l’été 95, j’ai 12 ans depuis peu.
Je me souviens, c’était un dimanche. Il fallait prendre une dernière photo avant notre départ. Les chaises, le Canon, la canne de Pépé, Caro pleure, Seb sautille, Papi allume une cigarette, Mamie veut débarrasser la table avant. Tout ce petit monde finit par s’installer sous les indications de Carmen.
Le retardateur me fascine. Est-ce qu’elle arrivera à se placer suffisamment vite au moment où la photo se déclenchera ? A cet instant précis c’est tout ce qui m’intéresse vraiment. J’esquisse même un petit sourire narquois lorsque je l’imagine immortalisée hors-cadre; exclue du reste de ma famille. Il y a une autre question qui me taraude. Est-ce que je serai heureuse quand je serai grande ?
Je crois qu’à l’époque j’aurais aimé qu’une petite voix me souffle à l’oreille mise-en gardes, conseils et indices sur ma vie future. Et puis elle aurait fait de même avec les autres. Chacun à notre tour nous aurions reçu ses paroles divines avec étonnement et bienveillance. Le temps de la photo. Et il y aurait eu bien plus qu’un avant et un après.
Comme il est impossible de revenir en arrière, voici ce que mon moi du futur leur dirait:
- Mémé: Arrête d’acheter des pantoufles cinq pointures au-dessus, ça finira par te tuer. Et ne me dit pas que c’est pour plus tard. Dernière chose, ça suffit de cacher tes sous dans les doublures des rideaux: c’est ultra pénible à découdre !
- Pépé: Plutôt que d’accepter que Mémé achète cette paire de fauteuils immondes et bas de gamme, tu pourrais lui proposer de voyager quelque part. Vous êtes en bonne santé, riches comme Crésus et vous avez une bonne dizaine d’années encore devant vous. Ayant travaillé dur toute votre vie, vous le méritez amplement.
- Mamie: Profite de Papi, ne lui crie pas trop dessus et sois plus indulgente envers Caroline: elle ne fait que répéter ce qu’elle entend. Dis à Tatie Simone de faire attention avec ses médicaments, un malheureux accident est si vite arrivé.
- Papi: Tout le monde te reproche de trop fumer alors que tu es malade mais tu as raison: fais ce qu’il te plaît, tes jours sont malheureusement comptés. Sois un peu plus bavard. Raconte ta vie à tes petits-enfants, ta jeunesse, n’importe quoi. Je suis sûre qu’ils aimeront raconter de toi bien plus que quelques bribes.
- Caro: Tout ce que tu écoutes n’est pas forcément la vérité. Surtout venant de ta mère. Tu adoreras Montréal.
- Seb: Aie confiance en toi mais ne sois pas trop hautain avec le reste du monde, qui peut être bien plus cruel que tu le penses. Le retour du bâton te sera insupportable tant que tu n’auras pas appris l’humilité. De plus, contrairement à ce que tu crois, toi et moi ne sommes pas si différents. Un jour tu comprendras. Pour le choix de tes études, écoute ta petite voix. Ce n’est pas parce que ta mère a ce besoin irrépressible de faire tourner le monde à sa manière pour avoir une meilleure image d’elle-même que tu dois te plier à ses ambitions. Tu aimes l’Art, tu es fait pour cette voie.
- Papa: Ose. Parle. Verbalise. Prends des vacances. Tu as frôlé la mort il y a deux ans à cause d’un burn out, que cela te serve vraiment de leçon. Echange plus de moments complices avec moi. Ne me rejette pas. Initie-moi à la photo. Accepte cette mutation au Canada. Et enfin, ne perds pas confiance en moi.
- Carmen: « El que siembra, cosecha. » Jesus.
- Céline: Dans une vingtaine d’années tu seras heureuse et sereine. D’ici là, la route sera longue et tortueuse, belle et épatante mais tu ne t’en rendras pas toujours compte. Parle. N’aie pas peur. Demande. Sois plus indulgente avec toi-même et arrête de porter le fardeau des autres sur tes épaules. Et enfin, non, tu n’es pas grosse. Même si on te le répète 50 fois par jour. Quand tu seras plus grande, tu seras directrice créa, tu auras autant de robes que tu le souhaiteras et un jour tu pourras dire que tu es photographe {et blogueuse ahah! }. D’ici là, ne perds jamais confiance en toi, tu es douée, tu as de l’or entre les mains. Tu es une artiste, tu es belle et tu vaux bien plus que ce que tu penses.
Tout ça en une fraction de seconde, je n’ai pas intérêt à me vautrer dans l’herbe !
Coucou l’article bouleversant au réveil.
Bordel, minette, si tu savais comme j’aimerais écrire un article comme ça.
Grosse claque. De par ton retour sur ton blog, que je suivais depuis quelques temps (rien à voir avec le fait que j’avais gagné tes kakeibos lors d’un concours;)), et de lire que tu arrêtais, le temps de te refaire une santé ! Et là, cette gifle de sincérité, cette idée de regarder en arrière, et au final, de prendre du recul pour retenir le meilleur (avant, pendant, plus tard…). Ravie de ton retour :))))) Et MERCI.
Magnifique article ! C’est un plaisir de te lire de nouveau. Bonne année pleine de créativité et d’amour !
Ah si on avait la chance d’avoir cette petite voix…
Moi j’aurai aimé qu’elle me dise ai confiance en toi les autres ne valent pas mieux.
C’est beau comme article.
Céline,
Après ces quelques semaines sans nouvelles, je suis ravie de pouvoir te lire à nouveau. Ça me manquait!
Bel article soit dit en passant! cela donne envie de faire la même avec ma famille.
Bonne année, en espérant pouvoir me plonger dans ton blog encore et encore!
Quel billet touchant, une mise à nu. Je te comprends tellement.
Je me revois souvent enfant, et aurai aimé que l’on me dise, me prépare. J’ai toujours rêvé de voir le temps s’accélérer pour une devenir adulte et « m’émanciper ».
Maintenant, je voudrais à l’inverse arrêter le temps et profiter. Je trouve que la réalité qui nous entoure n’est pas aussi belle que celle imaginée. Toutefois, j’avance pas à pas et espère trouver peu à peu ma voie, ma place.
Merci pour ce bel article, et au diable les cartes de voeux. :p
Mais c’est quand même fou de répéter à des jeunes filles qu’elles sont grosses, j’en ai été victime et du coup j’ai moins profité en me trouvant toujours trop grosse. Et puis maintenant je regarde les photos de l’époque et je me trouve toute jolie, c’est dommage!
Holy Shit!!! U made it!!! :)
Cet article est vraiment émouvant, c’est une bonne idée d’ailleurs, quand on pense à toutes les choses qu’on aurait aimé dire ou qu’on souhaiterait dire mais qu’on garde pour soi…
Gloups, c’est beau. Je reviens doucement lire les blogs que j’aimais et que j’ai « oublié », un peu, le temps de devenir maman, et là je tombe sur ton article. Ça fait du bien de te lire…